L’histoire

Érigé avec l’autorisation du vicomte de Béarn, le château de Sainte-Colome (Sancta Columba) était le fief de la famille noble homonyme, chargée de surveiller le territoire en liaison avec les autres points fortifiés, et d’assister le vicomte dans ses entreprises guerrières. Les plus célèbres furent celles de Gaston IV de Béarn, dit Le Croisé, qui, de retour victorieux de Jérusalem, fonda au début du XIIe siècle avec sa femme Talèse d’Aragon nombre d’hôpitaux-relais sur les chemins de Saint-Jacques. Ce fut le cas à Mifaget, proche de Sainte-Colome où passe toujours le chemin, dont la commanderie servait d’étape sur cet itinéraire crucial pour les pèlerins et les marchands transportant textiles et armes, soutenant ainsi les progrès de la Reconquista d’Espagne. Au fil des siècles, le château fut le témoin de nombreux événements, des croisades aux guerres d’Italie et de Navarre, jusqu’au procès en sorcellerie opposant deux royaumes, et à son incendie en 1569 durant les Guerres de Religion, marquant la fin de son rôle militaire.

Comme tous les édifices fortifiés de Béarn, le château (ou maison-forte) de Sainte-Colome fut édifié avec l’aval du vicomte, qui détenait exclusivement le droit de fortification, et contrôlait ainsi efficacement une noblesse progressivement féodalisée, et entraînée par lui dans l’aventure de la Reconquista d’Espagne, source pour tous de gloire et de richesse. Bénéficiant de l’essentiel du butin, le vicomte de Béarn fut le premier à disposer de l’argent nécessaire pour faire construire des châteaux de pierre, et ouvrir de nombreux chantiers de cathédrales et d’églises, mais aussi tout un réseau d’étapes majeures sur le chemin de Saint Jacques, souvent au milieu de ces forêts qui étaient propriétés vicomtales aux XIe et XIIe siècles.

Ainsi, la commanderie de Mifaget, toute proche de Sainte-Colome, fut fondée vers 1110 par le vicomte Gaston IV de Béarn, dit Le Croisé pour ses hauts faits lors de la 1ère croisade, et sa femme Talèse d’Aragon : « Qu’il soit connu de tous, présents et à venir, que moi, Gaston, vicomte de Béarn, ai donné ce lieu nommé Mifaget à une maison de Dieu et (un) hôpital pour le soin et le service des pauvres (…) J’ai fait ce don pour le salut de mon âme, de mon père, de ma mère, de toute ma parenté, en présence du Seigneur Gui évêque de Lescar et du seigneur Roger évêque d’Oloron ; présents aussi et consentants les habitants de Sainte-Colome et Louvie (Sancta Columba et Lupéria) d’Arros et d’Asson, moi Télèse vicomtesse, je confirme ce don et moi, Centulle, leur fils je le confirme. Sont témoins de la donation Gui, évêque, Roger, évêque, Fortaner de Domy, Fortaner d’Escot, Raymond Garcias de Gabastan, Raymond Arnaud de Coarraze et Arnaud de Laruns… »

Passant par Sainte-Colome, le chemin de Saint-Jacques permettait l’acheminement des pèlerins et des combattants, qui étaient parfois l’un et l’autre, mais c’était aussi une voie commerciale, dont les tarifs de péages — le plus ancien est daté entre 1076 et 1094 — distinguent deux catégories principales de marchandises : les textiles et les armes. Dans la première, on trouve des capes, des draps, des écarlates de Bruges, des tapis et des brocards. Ainsi, alors que la Flandre commence à mettre en place son industrie drapante, le nord-ouest de la péninsule Ibérique en assure la redistribution. Les autres étoffes de luxe venaient probablement soit de Byzance, soit d’al-Andalous. Dans la seconde catégorie se trouvent des lances, des épées, et des hauberts en provenance de France. Des textes nous apprennent en effet qu’en 1096, au moment de son assaut contre Huesca, le roi Pierre Ier reçut de France et de Gascogne, armes, lances, écus et hauberts. À la fin du XIe et au début du XIIe siècle, c’est donc manifestement du nord des Pyrénées, et par les chemins sécurisés par ce réseau de forteresses auquel appartenait le château de Sainte-Colome, qu’est venu l’essentiel de l’équipement des chevaliers aragonais et navarrais, mais aussi beaucoup de guerriers.

 Sous lequel des vicomtes béarnais fut bâti le château de Sainte-Colome, à qui fut-il confié, et quelle part prirent ses occupants successifs dans les épisodes de la Reconquista et autres aventures guerrières ? C’est ce que révèleront peut-être les recherches dans les archives, en France et en Espagne, associées au résultat des fouilles et de l’étude du monument.

Des seigneurs de Sainte-Colome sont mentionnés dès le XIIIe siècle, alors que les chroniques du siècle suivant nous rapportent les combats victorieux d’Ernauton de Sainte-Colome, l’un des intimes du grand Phébus, au point qu’il portait le casque du vicomte à son enterrement. Froissart nous parle de ce guerrier, dont Alexandre Dumas fit un personnage de roman…

Un autre Sainte-Colome participa aux guerres d’Italie du roi Louis XII contre l’empereur Charles Quint, où il gagna l’amitié de César Borgia, qu’il hébergea peut-être dans son château de la vallée d’Ossau, avant la mort de ce terrible prince dans les combats de Navarre, où s’illustra moins glorieusement un autre Sainte-Colome. Dans un courrier diplomatique conservé aux Archives départementales, Charles Quint mentionne le nom de l’ambassadeur de la Reine de Navarre, Monsieur de Sainte-Colome, en refusant à sa « chère sœur » la restitution de la Haute Navarre, conquise par l’Espagne. Enfin, le dernier seigneur de la terre noble par le sang (!) fut cet Antoine de Lomagne, dit de Terride, seigneur d’Aydie et de Sainte-Colome, gentilhomme de la chambre du roi Charles IX, chevalier de son Ordre et l’un des chefs de l’armée catholique d’invasion du Béarn contre la reine Jeanne d’Albret, mère du futur Henri IV, dont il fut un adversaire acharné durant les Guerres de Religion. L’incendie de son château de Sainte-Colome, le 8 août 1569, lors de la contre-attaque de l’armée protestante menée par le comte de Montgomery — qui blessa mortellement le roi Henri II lors du tournoi des Tournelles — précéda de quelques jours sa brutale mise à mort par ce même Montgomery, sur l’ordre probable de la souveraine…

Ruine incendiée, le château passa ensuite aux Montesquiou-Sainte-Colome, l’une des branches de la vieille famille des Montesquiou, comprenant aussi les Montesquiou-d’Artagnan, de la famille du fameux mousquetaire, puis à une famille Auger ou d’Auger, bourgeois de Nay, qui eurent avec l’achat de la terre noble le droit d’entrée aux Etats de Béarn. Cette famille d’Auger de Sainte-Colome était sans doute de confession protestante, et céda l’ensemble de ses possessions béarnaises en 1685, lors de la Révocation de l’édit de Nantes, et la brutale répression royale qui s’ensuivit, avec ses terribles dragons. L’un de ses membres était peut-être le célèbre musicien Monsieur de Sainte-Colombe… Devenu carrière de matériaux à partir de la Révolution française, nombre des pierres du château sont aujourd’hui dans les murs de beaucoup de maisons du village de Sainte-Colome. Puis son histoire fut celle, plus discrète, d’une ruine presque romantique, jusqu’à aujourd’hui…

En hiver

Autre vue

©DR

Dans le village de Sainte-Colome ©DR

Le blason

Le blason ci-contre est celui des Montesquiou-Sainte-Colome. Le blason historique de la seigneurie de Sainte Colom(b)e, visible sur la porte gothique de l’église de Sainte-Colome et sur une clef de voûte de sa nef, est le blason sur champ (fond) bleu, avec les trois colombes et le croissant. 

Ce blason se lit comme suit :

D’azur aux trois colombes d’argent sommées d’un croissant montant de même.

Les significations des meubles colombe et croissant :

  1. a) la colombe est le symbole de la simplicité, l’innocence, la paix, l’amour divin, et aussi du Saint-Esprit.
  1. b) le croissant est le symbole de la noblesse, de l’accroissement des richesses, de l’honneur et de la renommée. Il figure aussi dans les armoiries des familles ayant participé aux croisades.

L’émail bleu est dérivé du mot arabe lazurd, qui signifie bleu. l’azur représente la sagesse, la justice et la fidélité.

En 1522, Jean aliàs Thomas de Terride, Chevalier, lieutenant de la Compagnie d’hommes d’armes du Maréchal de Châtillon, épouse Mengette de Sainte-Colome, fille de Bernard, Seigneur de Sainte-Colome en Béarn, et de Marie d’Aydie, sœur d’Odet d’Aydie, Comte de Comminges, Amiral de Guyenne, avec laquelle il ne vécut pas un an, mais qui lui donna un fils, ANTOINE DE LOMAGNE, dit de Terride, surnommé d’Aydie, Seigneur de Sainte-Colome par sa mère.

 

Après le décès de Mengette (en couches probablement) Jean-Thomas de Terride épousa, par contrat du 14 juillet 1523, Marie de Perer-de-Momas. Il habitait le Château de Sainte-Colome, mais après l’attaque et l’incendie du 8 août 1569, il se retira au château de Momas, et y mourut la même année.

 

De Mengette de Sainte-Colome, Jean-Thomas de Terride eut donc « ANTOINE DE LOMAGNE, dit de Terride, surnommé d’Aydie, Seigneur de Sainte-Colome par sa mère. Il fut un des principaux Chefs du parti Catholique en Béarn, sans manquer de fidélité à la Reine de Navarre, sa légitime Souveraine. Sa prudence & sa capacité le firent souvent choisir par ceux de son parti pour les négociations les plus difficiles, & il fut chargé, en 1556, de faire un voyage à la Cour de France, pour prier Henri II d’employer ses soins & sa puissance auprès de la Reine de Navarre, pour épargner le sang de ses sujets qu’elle immolait à sa fureur. Les Catholiques Béarnais furent obligés, pour éviter un massacre général, d’attirer dans leur Patrie des troupes étrangères ; le Seigneur de Sainte-Colome obtint du Roi le secours qu’il demandait ; & ce Monarque lui donna le Collier de son Ordre (de Saint-Michel) : ce secours fut commandé par le Vicomte DE TERRIDE, Capitaine de 50 hommes d’armes, commission qui lui fut donnée au camp de Verteuil le 4 mars 1569, par le Duc d’ANJOU, frère du Roi, qui quelques jours auparavant avait chargé JEAN DE TERRIDE en Béarn, d’y assembler les Catholiques.

 

 

 

Le Seigneur de Sainte-Colome écrivit plusieurs Lettres au Vicomte DE TERRIDE, pour le presser de se rendre en Béarn, entr’autres une de Tarbes, le 1er avril 1569, par laquelle il lui mandait les avantages que les Calvinistes reprenaient dans le pays, & la nécessité où les Catholiques seraient d’abandonner leurs Places, s’il tardait plus longtemps d’arriver avec son armée. Sainte-Colome partit de Tarbes le lendemain avec des troupes qu’il avait rassemblées en Bigorre & ailleurs, marcha vers le Béarn, prit Pontac et fut à Nay, dont il se rendit le maître.

Aux approches du Vicomte DE TERRIDE, tout le Béarn fut réduit au pouvoir du parti Catholique, & y étant arrivé, il ne trouva que Navarreins en état de faire résistance. Le comte de Montgommery le suivit de près à la tête d’une forte armée d’Huguenots, qui, étant entrée en Béarn par Pontac & Nay, brûla en passant le Château de Sainte-Colome, où son père s’était retiré : il évita les flammes ; mais elles consumèrent tous ses papiers et ses effets. Montgommery marcha devant Navarreins, contraignit TERRIDE d’en lever le siège, & de se retirer à Ortez, où il fut assiégé de nouveau, et forcé de capituler le 13 août 1569. On a vu plus haut ce que portait la capitulation, & la mauvaise foi avec laquelle on y manqua.

Le Seigneur de Sainte-Colome ne fut point marié, & les biens de la maison de Sainte-Colome passèrent à Imbert de Montesquiou, sieur de Gelas, son cousin, fils d’une sœur de sa mère, nommée Madeleine, qui étant devenu veuve du Seigneur de Montesquiou, se remaria avec François de Mondenard, Seigneur de Moncaup. C’est ce qui a fait croire à quelques-uns, que le Seigneur de Sainte-Colome, dont on vient de parler, était de la Maison de Montesquiou. Voyez Tabl. Hist. & Généal. Part. IV, & l’Abregé de la Généalogie des Vicomtes de Lomagne. »

 

(2) Pages 623 à 625, tome 2 du Dictionnaire De La Noblesse: Contenant les Généalogies, l’Histoire & la … Par François-Alexandre Aubert de La Chesnaye Des Bois